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le Dictionnaire de philosophie de Christian Godin

le Dictionnaire de philosophie de Christian Godin fait, lui aussi, un sort à l'idée de langue unique. Mais ce n'est pas la « supériorité » du grec, de l'allemand ou de toute autre langue qui est dénoncée, c'est la prétention d'objectivité que l'on trouve dans certains dicos de philo : « La notion de langue juste est aberrante en dehors des sciences et des techniques, déclare Godin. L'unification et la clarification du langage philosophique ne sont pas seulement impossibles, elles ne sont pas même souhaitables. L'histoire ne nous enseigne-t-elle pas qu'un sens progresse souvent par contresens ? » Et qu'un dictionnaire parle toujours la langue de son époque ?

Le fameux Vocabulaire technique et critique de la philosophie de Lalande, consulté par des générations d'étudiants, n'échappe pas à la règle : « Dans son dictionnaire, affirme Christian Godin, Lalande fait du terme individualisme un quasi-synonyme d'égoïsme. Or, on ne peut pas plus donner ce sens à individualisme qu'on ne pourrait conserver aujourd'hui l'ancienne définition de péripétie, qui signifiait "bouleversement radical". » C'est cette dérive des concepts, cette « tectonique des mots » qui a poussé l'auteur à écrire, tout seul, un nouveau dictionnaire de philosophie - « et non de "la philosophie", car il part de la philo mais ne s'y inscrit pas de façon exclusive ». Rien qu'à la lettre "s", on croise bien des entrées qu'on avait peu coutume de voir : salvifique, samâdhi, samkhya, samsâra.

Et on croise même salaud : « 1. Dans le langage populaire, individu qui se comporte de manière particulièrement dégoûtante. 2. Sartre (1905-1980) fait de ce terme une véritable catégorie existentielle [...]. Le salaud par mauvaise foi se dissimule le caractère gratuit et injustifiable de l'existence. Il a la compacité de l'en-soi et, à l'inverse du sujet moral kantien, il traite toujours des autres comme des moyens et jamais comme des fins. »

Un dico de philo, tout seul ? Certains diront que c'est un pari fou. Godin assume, rappelant au passage qu'« un dictionnaire se construit toujours entre héritage et rupture avec ceux qui l'ont précédé. Les philosophes actuels sont à la fois les héritiers fidèles et respectueux des philosophes du passé - et "révoltés" contre eux. Si l'on ne garde pas à l'esprit cette idée qu'avant nous on a "mal pensé", on ne se lance dans aucun projet philosophique ». Peu importe, alors, les oublis et les définitions partielles qu'on ne manquera pas de relever. Ce Dictionnaire, comme le Vocabulaire européen, rappelle au bon moment, contre tous les technocrates et autres amateurs de globish, que la philosophie n'est vraiment pas une langue morte.

le Dictionnaire de philosophie de Christian Godin, Fayard 2004

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