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  • Roman religieux : Sans un regard de José Luís Peixoto

    Dans une improbable contrée, José est hanté par le diable, qui, à chaque détour d'un verre de vin, lui susurre : « Ton épouse n'est pas celle que tu crois... » Autour de lui gravitent des âmes perdues identiques à la sienne, dont une prostituée borgne et manchote, deux frères siamois livrés à la solitude et à l'obscurité de leur existence. « Peut-être les hommes sont-ils des bribes de chaos sur le désordre qu'ils enserrent, et c'est peut-être ce qui les explique. »

    José Luís Peixoto, poète et nouvelliste, signe là un ouvrage qui semble n'appartenir à aucun genre. Ou à tous. Certaines de ses phrases en effet pourraient être des vers, certains passages, pris isolément, ont des allures de nouvelle, de conte macabre, sans commencement ni fin, car le glas sonne à chaque page. Et pourtant. Sans un regard recèle l'horreur, l'absurde, mais aussi la tendresse. Un livre en forme d'écorchure, oppressant et fascinant.

     

    sans un regard de José Luís Peixoto, 2004

  • Hommage à Derrida, Philosophe sans frontières

    Il aura osé "déconstruire" la tradition philosophique occidentales et élargir son champ d'investigations. itinéraire d'un penseur engagé, marginalisé en France, encensé ailleurs.

    Derrida savait qu’il s’était lui-même condamné à surprendre, sous peine de retomber dans les lieux communs du langage et dans la lourdeur des dogmes dont il montrait si bien les limites. Chaque livre – il en a publié plus de quatre-vingt - , chaque séminaire, chaque cours devaient sonner comme un commencement, avec sa tonalité, ses rythmes, ses ruptures, ses éblouissements et ses silences, ses parts d’obscurité, sa mise en scène. Cette nécessité est un bonheur et une tyrannie. Bonheur de la création, tyrannie de l’originalité.

  • Religion spiritualité : Rites et ritualité. Essai sur l’altération sémantique de la ritualité - Jean-Yves Dartiguenave


    Le mot «rite» peut avoir des sens différents selon les contextes dans lesquels il est utilisé. Pour les biologistes, par exemple, la ritualisation est la formalisation d’un comportement à motivation émotionnelle. Ils la rattachent au processus de l’évolution et plus particulièrement à l’adaptation aux fonctions de communication. Ainsi le rite peut s’observer chez les animaux.

    Dans le langage courant, ce terme désigne toute espèce de comportement stéréotypé qui ne semble pas être imposé par quelque nécessité ou par la réalisation d’une finalité selon des moyens rationnels. Une institution désuète, un cérémonial périmé sont des rites. Les manies sont aussi rangées dans la même catégorie. De là il nous est aisé de passer à l’interprétation de la psychopathologie et de la psychiatrie, qui parlent des rites névrotiques. Mais, en réalité, tous ces emplois de la notion se réfèrent plus ou moins à celui qui désigne un comportement social, collectif, dans lequel apparaît plus nettement à la fois le caractère répétitif du rite et, surtout, ce qui le distingue des conduites rationnellement adaptées à un but utilitaire. Le rite se présente alors comme une action conforme à un usage collectif et dont l’efficacité est, au moins, en partie d’ordre extra-empirique. Il se révèle donc, avec toute sa spécificité, dans les coutumes stéréotypées qui ne se justifient pas entièrement par une détermination limitée au monde naturel et qui font intervenir des rapports entre l’homme et le surnaturel. Rites magiques et rites religieux en sont des exemples.


    Jean-Yves Dartiguenave cherche ici à savoir s’il existe un comportement rituel chez l’homme. Et si tel est le cas, à découvrir son origine et le fondement de sa spécificité. Est-il possible de réduire les rites à une production historique et sociale ? Il s’agit au cours de cette étude de voir comment émerge une «arythmie sociale», c’est-à-dire une perte ou un appauvrissement de la ritualité dans des situations sociales extrêmes, marquées par l’incertitude et la précarité de l’existence.

    Auteur : Jean-Yves Dartiguenave
    Titre :
    Rites et ritualité. Essai sur l’altération sémantique de la ritualité
    Editeur :
    L’Harmattan
    Collection :
    Logiques sociales
    Année :
    2001

  • Vocabulaire européen des philosophies. dictionnaire des intraduisibles II

    Osons donc le paradoxe. Plutôt que de parler des « bonheurs de traduction », immergeons-nous dans ceux de « l'intraduisible ». Entrons dans la complexité de pravda, qui, « en dépit du caractère univoque des équivalents dont on se sert pour le traduire - vérité, truth, Wahreit -, désigne non seulement la vérité, mais aussi la justice », rappelle Constantin Sigov. Ou dans celle du mot talent, qui dévoile au néophyte ses dessous insoupçonnables : « Talent n'a pas toujours eu le sens qu'il a aujourd'hui, confie Charles Baladier, coordinateur du Vocabulaire sous la direction de Barbara Cassin. En français du Moyen Age, le mot signifie désir, "penchant pour". Ainsi, "faire son talent d'une femme", c'est connaître la jouissance avec elle. [...] Dans un des Lais de Marie de France, une reine, furieuse de voir un jeune chevalier repousser ses avances, lui déclare : "On m'a souvent répété que des femmes vous n'avez aucun talent." » A partir du XVIIe siècle, talent prit le sens d'aptitude en français, les deux significations se maintenant jusqu'à aujourd'hui en italien et en espagnol, avec talento.

    Fécondité du multiple, du « frottement » entre les langues : bien traduire, c'est refuser les « sens uniques » que le lexique pseudo-universel de la communication ne cesse de donner aux mots. « Une traduction n'est jamais intégrale, rappelle Barbara Cassin. C'est une recherche complexe, enrichissante pour la langue d'arrivée comme pour la langue de départ. Ici, il n'y a que des emprunts, des passages et des transferts ; bref, une dynamique résolument contraire à toute idée d'enfermement culturel. » Ou de cloisonnement social. Le jour où Descartes, rompant avec la tradition, écrit le Discours de la méthode en français (plutôt qu'en latin) pour être compris de tous, il apporte une réponse politique à une double question : d'où la philosophie provient-elle et à qui est-elle destinée ? Le choix du français, souligne Alain Badiou dans le Vocabulaire, implique « d'une part, que la philosophie n'a nul site singulier de provenance, mais qu'elle commence n'importe où, par un acte libre dont tout esprit est capable ; d'autre part, que la philosophie est destinée à tous, ce qui voudra dire finalement, comme Comte (fidèle sur ce point à Descartes, à Rousseau, et anticipant Sartre et Deleuze) le dira "systématiquement" : aux femmes et aux prolétaires  ».

    Politique, forcément politique, la question des langues en philosophie ? Le Vocabulaire européen, en plus d'être un formidable instrument de travail, a valeur de manifeste contre tout « nationalisme ontologique » qui voudrait que la philosophie ne parle bien, ou vraiment, qu'une langue (le grec, par exemple, ou l'allemand, selon Heidegger). Et c'est un acte de résistance contre « le tout-à-l'anglais - cet anglais officiel de la Communauté européenne et des colloques scientifiques, qui fonctionne, certes, mais qui n'est presque plus une langue », rappelle Barbara Cassin.

    Dictionnaire des intraduisibles, Vocabulaire européen des philosophies, Collectif (Dir. barbara CASSIN) , Seuil.

  • Vocabulaire européen des philosophies. dictionnaire des intraduisibles

    150 auteurs, 400 entrées, 4 000 mots, expressions et tournures, 9 millions de signes... ce dico, c'est le « guide Babel » !

    Mais une Babel repensée, organisée par ses architectes sur le principe que la philosophie ne parle pas une langue, mais « en langues ». Et que le passage de l'une à l'autre n'est pas source de cacophonie, mais de richesse. Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, que la traduction de sein par être, de Wunsch par désir ou de pravda par vérité ne fait pas problème. Prenez Wunsch. Traduction littérale : souhait. Pourquoi, sachant que l'allemand n'a pas de mot précis pour dire désir, a-t-on choisi ce terme dans presque toutes les versions françaises de Freud ? Cela demande éclaircissement : « L'idée d'un souhait inconscient paraît plus difficilement acceptable que celle d'un désir inconscient, explique Alexandre Abensour, qui s'est chargé de cette entrée dans le Vocabulaire. Un souhait suppose la participation active de celui qui souhaite. Il paraît difficile de penser qu'on soit le jouet d'un souhait comme on l'est d'un désir. Traduire Wunsch par "désir" peut donc se justifier. »

    Ainsi vit le mot - jamais figé, vibrant dans un réseau d'autres mots aussi bien dans sa langue que d'une langue à l'autre : plaisir renvoie à aimer, beauté, goût, malaise, pulsion, souffrance, mais aussi à hêdonê, voluptas, delectatio, lust, enjoyment, delight, gozo, godimento... Traduire, c'est trouver l'accord juste, la bonne vibration, dans ces « jeux » de mots - ou entre les mots - que le Vocabulaire européen des philosophies s'attache à faire résonner et raisonner. Pari difficile, comme le reconnaissent volontiers les auteurs en donnant à leur ouvrage le sous-titre de Dictionnaire des intraduisibles. Pas par provocation ou forfanterie, simplement pour rappeler au lecteur que, de Descartes à Hegel et du grec à l'allemand, l'arabe ou l'hébreu, « on n'en finit pas de (ne pas) traduire ».

    Dictionnaire des intraduisibles, Vocabulaire européen des philosophies, Collectif, Seuil.

  • le Dictionnaire de philosophie de Christian Godin

    le Dictionnaire de philosophie de Christian Godin fait, lui aussi, un sort à l'idée de langue unique. Mais ce n'est pas la « supériorité » du grec, de l'allemand ou de toute autre langue qui est dénoncée, c'est la prétention d'objectivité que l'on trouve dans certains dicos de philo : « La notion de langue juste est aberrante en dehors des sciences et des techniques, déclare Godin. L'unification et la clarification du langage philosophique ne sont pas seulement impossibles, elles ne sont pas même souhaitables. L'histoire ne nous enseigne-t-elle pas qu'un sens progresse souvent par contresens ? » Et qu'un dictionnaire parle toujours la langue de son époque ?

    Le fameux Vocabulaire technique et critique de la philosophie de Lalande, consulté par des générations d'étudiants, n'échappe pas à la règle : « Dans son dictionnaire, affirme Christian Godin, Lalande fait du terme individualisme un quasi-synonyme d'égoïsme. Or, on ne peut pas plus donner ce sens à individualisme qu'on ne pourrait conserver aujourd'hui l'ancienne définition de péripétie, qui signifiait "bouleversement radical". » C'est cette dérive des concepts, cette « tectonique des mots » qui a poussé l'auteur à écrire, tout seul, un nouveau dictionnaire de philosophie - « et non de "la philosophie", car il part de la philo mais ne s'y inscrit pas de façon exclusive ». Rien qu'à la lettre "s", on croise bien des entrées qu'on avait peu coutume de voir : salvifique, samâdhi, samkhya, samsâra.

    Et on croise même salaud : « 1. Dans le langage populaire, individu qui se comporte de manière particulièrement dégoûtante. 2. Sartre (1905-1980) fait de ce terme une véritable catégorie existentielle [...]. Le salaud par mauvaise foi se dissimule le caractère gratuit et injustifiable de l'existence. Il a la compacité de l'en-soi et, à l'inverse du sujet moral kantien, il traite toujours des autres comme des moyens et jamais comme des fins. »

    Un dico de philo, tout seul ? Certains diront que c'est un pari fou. Godin assume, rappelant au passage qu'« un dictionnaire se construit toujours entre héritage et rupture avec ceux qui l'ont précédé. Les philosophes actuels sont à la fois les héritiers fidèles et respectueux des philosophes du passé - et "révoltés" contre eux. Si l'on ne garde pas à l'esprit cette idée qu'avant nous on a "mal pensé", on ne se lance dans aucun projet philosophique ». Peu importe, alors, les oublis et les définitions partielles qu'on ne manquera pas de relever. Ce Dictionnaire, comme le Vocabulaire européen, rappelle au bon moment, contre tous les technocrates et autres amateurs de globish, que la philosophie n'est vraiment pas une langue morte.

    le Dictionnaire de philosophie de Christian Godin, Fayard 2004